J’ai rencontré Fabrice Guénier sur un célèbre réseau social. Son accroche du style « auteur cherche critique » m’a de suite séduite…J’aime ce culot, cette manière de provoquer en douceur pour attirer l’attention sur « Ann », son livre concourant au prix Renaudot.

Je ne comprends pas pourquoi le silence radio règne autour de son ouvrage. Certes, ce n’est pas mon petit blog qui va pouvoir l’aider, mais j’ai eu envie de lui montrer que son appel a été entendu. Je lui souhaite le succès qu’il mérite et le remercie de répondre à ces quelques questions…

Fabrice Guénier, tout d’abord, un grand merci pour prendre le temps de répondre à mes interrogations. Pouvez-vous nous parler d’ « Ann » qui concourt pour le prix Renaudot ? Quelle est l’histoire ?

FG : « Ann » est sorti au mois de mars, j’ai rapidement eu un retour d’Olivier Barrot qui m’a invité à son émission « Un livre, un jour », puis plus rien. J’ai été nominé pour le prix Françoise Sagan, à l’intiative de Karin Tuil, mais sans succès. Au début de l’été Patrick besson m’a consacré son éditorial sous le titre : « Mon livre de l’été ». J’ai pensé qu’étant un critique respecté et écouté il aurait certain impact, mais rien n’a changé…

J’avais accepté l’idée que le livre était perdu, quand à ma grande surprise, j’ai été nominé, successivement, pour le prix Renaudot, puis le Médicis. J’ai alors pensé qu’un roman 1. paru en mars, 2. d’un auteur illustrement inconnu 3. Remarqué cependant pas Besson, titillerait la curiosité d’un journaliste se demandant d’où pouvait bien sortir cet outsider.

Quand j’ai été éliminé du Médicis, mais gardé, après le 2eme tour, dans la course au Renaudot. Je me suis dis qu’il fallait faire quelque chose d’inédit.

Pour moi, les prix servent à mettre en lumière un certain nombre de livres, le gagnant importe, mais avant il y a eu une place pour les autres, normalement.… Je me sentais comme un joueur sélectionné en équipe de France, mais sans qui n’aurait pas droit à sa vignette Panini…

Je n’ai aucun réseau, aucun passé dans ce milieu, je n’avais pas beaucoup d’option. J’ai imaginé cette bouteille à la mer, une petite annonce minimale et ironique dans un support national, que je paierais, puisqu’on ne m’offrait ni  espace ni écho.

 

Pensez que c’est le sujet du livre qui freine l’envie des journalistes d’en parler ?

« Ann » est un hommage à une jeune femme que j’ai aimé, qui est morte, qui avait 23 ans. J’étais client, elle était prostituée. Mon histoire est la preuve qu’on peut bâtir du vrai à partir de faux. Il suffit que les deux intéressés y croient suffisamment, peut-être faut-il juste être suffisamment naïf et confiant, et croire qu’on peut changer le plomb en or. Les images d’Ann souriante, qui illustre l’article de Lauren Provost,  me semble-t-il démontre cela.

Je pense que l’amour ne s’embarrasse pas de bien-pensance. DH Lawrence a choqué à son époque. Gide. Sade, etc. Les fleurs du mal, L’étranger, Lolita, Les Bienveillantes, Portier de nuit également. La liste serait infinie… Si la littérature doit être jugé au rayon « morale », il ne va pas rester grand-chose.

Toutes les réactions de lecteurs que j’ai pu avoir contredisent cette idée d’un soi-disant contexte sulfureux de mon histoire, qui la rendrait inacceptable. Tous y ont vu un récit honnête, dur, mais beau et éminemment recevable.

 

Pourquoi avoir écrit cette petite annonce ? Et surtout, a-t-elle tenu ses promesses ?

Oui, au-delà de ce que j’espérais.

 

Vous utilisez les réseaux sociaux et notamment Facebook : trouvez-vous qu’ils soient pertinents dans votre politique de communication autour d’Ann ?

Suite à l’annonce, j’ai avant tout reçu des dizaines d’appel d’anonyme, de blogueurs, comme je le raconte dans mon récit de la semaine sur le Huffington Post. Internet est un immense caisse de résonnance démocratique, une agora. On souligne toujours ses travers, mais ceux qui le font sont souvent ceux qui exerce une parole dominante dans les médias et qui voient qu’une autre parole monte, directe, sans intermédiaire.  On peut comprendre que ça les soucie… ;)

Pour ma part, je bénis le ciel de l’existence de ce chemin de traverse qui m’a permis d’échanger, de toucher, de parler avec des gens, en général, passionné, émouvant et n’ayant qu’une envie : partager.

 

Quelle est votre actualité littéraire ? Vous croisera-t-on bientôt sur les routes de France ?

On verra. Je le souhaite. Depuis la mort de Ann et au contact de tout ce que j’ai pu croiser en voyage, je sais que demain n’existe pas. Je n’envisage rien au-delà de 15 jours. Hier n’a pas ressemblé à ce qu’on imaginait, demain ce sera pareil. C’est ce qui fait tout l’intérêt de notre histoire, son imprévisibilité. J’ai trouvé l’amour là où il se vend et une audience littéraire grâce à quelques lignes d’une petite annonce.

En attendant, une signature aura lieu jeudi 22 octobre, à la Librairie Gallimard, bd Raspail 75007, à partir de 19h : https://www.facebook.com/events/1541592969464616/ Tous ceux qui le souhaitent peuvent venir et seront accueillis avec plaisir pour que vive encore « Ann »… Quand je lui disais qu’elle était spéciale, elle me répondait toujours « je ne suis pas spéciale, je suis unique… », avec un sourire. Il semble que même disparue, elle arrive à faire advenir des choses inédites, uniques. Vivantes.

Merci ;)

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