Temoignage sur le syndrome Gilles de la Tourette

Drôle de Plume, ce ne sont pas que des textes humoristiques. Il faut parfois aussi penser à la mission première d’un rédacteur : communiquer, diffuser l’information, surtout quand cela touche les enfants. C’est pourquoi votre société de rédaction web a décidé de laisser la parole à une maman, dont le fils est atteint par le syndrome Gilles de la Tourette.

Avec ses mots, elle raconte les crises, son angoisse, le long chemin parcouru par son petit garçon. Merci à elle de s’être livrée et de nous offrir un témoignage sur le syndrome Gilles de la Tourette venant de l’intérieur, et non pas évoquant la maladie de l’extérieur.

« SGT, le syndrome Gilles de la Tourette, je déteste ce nom, cette maladie, je déteste que tu en sois atteint.

Tout ça a commencé quand ? Je ne sais pas. Depuis que tu as été conçu sûrement, puisque cette maladie est neurologique; quand j’essaie de repenser au passé finalement plusieurs petits signes étaient présents mais jamais, je n’aurai osé penser que tu étais atteint de cette fichue maladie… 

Petit, tu avais quelques tics, mais finalement comme moi et comme la plupart des gens;  à la maternelle, tu as eu quelques crises d’angoisse quand tu voyais les grands arriver (les primaires)… 

Ton comportement changeait.  Le syndrome Gilles de la Tourette évoluait.

Toi, si inhibé à l’école, en CP, tu te levais de classe d’un coup et tu allais parler à tes copains ; idem à une sortie où, assis sur les gradins, tu t’es levé et tu t’es mis à faire le fou… Ta maîtresse qui te connaît depuis la GS de maternelle ne comprend pas ce qui t’arrive, toi si discret, tu deviens méconnaissable, transformé par un démon incontrôlable.

En mars de ton année de CP, tu as commencé à avoir des tics et ceux-la duraient. Sonores, gestuels ou les deux, cela alternait. Pendant ce temps, tes cauchemars empiraient. 

Tu as commencé à me repousser, à être en colère contre moi, peut- être car je ne comprenais pas ce que toi-même tu ne comprenais pas… Tu n’allais pas bien…Tes angoisses, tes attaques de panique à l’école surtout, tes crises d’inhibitions, tes absences, ton hyperactivité…Difficile de faire tes devoirs le soir, quand le syndrome Gilles de la Tourette est si fort… Pourtant, tu réussis ton parcours scolaire, je suis si fière.

J’étais dure avec toi. Comme toute maman, je voulais que tu aies de bonnes notes, ne me rendant pas compte de la pression que je venais ajouter sur tes frêles épaules.

Puis, est arrivé le jour où j’aurais soulevé des montagnes pour trouver de l’aide pour toi. Pour nous. Nous nous sommes battus pour trouver un médecin digne de ce nom, un qui saurait te comprendre. Le 20 Août, comme il le supposait, ton docteur a prononcé les mots que je ne voulais pas entendre : « votre fils atteint du syndrome Gille de la Tourette « modéré ». »

Le plus dur est de te voir t’accrocher à moi, te sentir souffrir de l’intérieur et de ne pas pouvoir t’aider à sortir de ce gouffre.

J’essaierai, si c’est possible, et si c’est ce que tu souhaites, que personne dans le milieu scolaire ne sache que tu es atteint par le SGT; ou bien on leur expliquera que tu es fort et que tu te bats tous les jours contre cette maladie, renforçant ta personnalité.

Durant les vacances, le syndrome Gilles de la Tourette se fait oublier mais la rentrée le fait revenir au galop.  Je suis triste, en colère et choquée par ce qui t’arrive.  Tu sais, depuis que tu es né, tu es mon rayon de soleil, tu as quotidiennement le sourire.

Comble d’ironie, le schéma de représentation du syndrome Gilles de la Tourette est un soleil…

Quand le médecin m’a parlé de cette maladie pour la première fois, j’ai cru fondre, disparaître sous ma chaise; le temps passe et pourtant, je pleure toujours. Je suis en état de choc mais reste solide devant toi pour t’épauler.

Je te connais tellement mon petit garçon que cela nous aidera à comprendre ce qui t’arrive. Mais peut-être aussi  que je t’empêche d’être toi-même ?

Je culpabilise beaucoup; l’équipe qui t’a suivi pendant deux ans (pédopsychiatre, psychologue, psychomotricienne) n’a pas induit de changement majeur dans ton comportement : tu nies toujours ton syndrome Gilles de la Tourette. J’ai donc décidé qu’uniquement ton neurologue, spécialiste dans le SGT continuerait, j’ai toujours eu toute confiance en lui. Il a réussi à me retirer une grande part de ma culpabilité, ce qu’il fallait pour que je puisse t’aider correctement. 

Les semaines passaient, tes symptômes restaient à peu près les mêmes, les crises, les tics vocaux et gestuels, les tocs, les troubles de la concentration, l’hyperactivité.

Depuis tout petit, tu mets en route un champ de bataille dans ton corps d’enfant, pour transformer tous les tics du syndrome Gilles de la Tourette en quelque chose de « normal »;

Par exemple, au lieu de de te basculer sur ta chaise 30 fois de suite, tu fais le pitre dessus pour faire rire les copains. De ce fait, tout tic autant gestuel que sonore paraît invisible tellement tu es devenu bon dans l’art du camouflage de ton syndrome Gilles de la Tourette. 

Ton neurologue t’a prescrit un médicament qui devait diminuer tes tics. Dur ce médicament, dur de te le donner, de voir les premiers jours ses effets indésirables, dur d’attendre qu’il fasse effet, mais nous nous devions d’être fort comme toi et d’attendre. Au final, il marcha,  et tout se calma.

 De temps  en temps, il faut le réadapter mais cela reste gérable. Mais la souffrance, les tics…Tout cela ne se stoppe réellement que lorsque tu dors.

 Aujourd’hui, tu as 9 ans. Tu es suivi par un neurologue, un ostéopathe et une hypnothérapeute.

Tes symptômes ont grandi, tout comme toi. Tes tics, plus grands, plus forts.

Il y a également l’automutilation, la dépression. À croire qu’ils ont concentré les pires symptômes dans le syndrome Gilles de la Tourette.

Tu fais aussi ce qu’on appelle de la coprolalie, c’est à dire répéter un mot, une phrase…Tu les diras une multitude de fois sans qu’aucun contrôle ne puisse être exercé. La plupart des tics sonores chez toi sont très bruyants car il partent du fond de la gorge.

Assis sur le canapé, ce tic sonore qui se fait entendre toutes les trois secondes est un déchirement; à chaque son, cela me fait mal, j’appelle parfois ma mère ou ma soeur pour faire diversion de cette douleur environnante.

Aujourd’hui, je sais qu’il reste la période la plus difficile, l’adolescence…

J’espere que tout cela ne sera plus qu’un mauvais souvenir, bientôt. J’espère que tu ne te  rappelleras plus avoir vécu avec le syndrome Gilles de la Tourette. Un jour, tu vas connaître la vie sans « ça »…Tu le mérites, mon fils.

Nous sommes arrivés à un nouveau virage.

Tu es devenu maître dans l’art de la manipulation et a fait de ta maladie une chose dont on peut rire avec toi, et non plus de toi.

Mais tout ceci a un prix : tu fatigues, mon chéri. La dépression te guette, à 9 ans, alors que tu ne devrais même pas la toucher du doigt.

Je serai là pour te soulager du mieux que je le pourrai. Je suis ta maman, ta meilleure alliée. »

Téo a tenu à ajouter ces quelques mots, dédiés à tous les enfants souffrant du syndrome Gilles de la Tourette : « n’essayez pas de vous retenir, c’est trop fatiguant. »

Drôle de Plume espère qu’au travers du message douloureux transmis par cette maman, d’autres personnes, touchées par cette cause, viendront lui apporter du réconfort.

 

 

 

 

16 Comments

  1. cricri2006 dit :

    Les larmes me viennent en lisant ton récit si bouleversant et je suis admirative devant ton courage et le courage de ton fiston face a cette bip bip de maladie!

  2. laure V dit :

    <3 <3 <3

  3. carole dit :

    Très joli texte écrit très sobrement.

    Pour connaître la maman et ce petit garçon, je confirme l’investissement de cette dernière.
    A chercher que faire pour que son fils aille mieux, qui voir pour son fils aille voir, où aller, quelle méthode.
    tout quoi elle cherche tout ce qui pourrait aider son fils à aller mieux.
    Elle s’oublie complètement au profit de son fils. joli amour.
    abnégation d’elle même au profit de son fils. jolie Maman.

    je suis maman de 3 enfants dont notamment mon fils qui est le copain de ce pti mec, et je comprends tellement ce qu’elle fait et en même temps ça fait très mal pour eux car ‘ils’ ne le méritent pas. personne ne le mérite. mais quand ça touche un pti mec comme lui tout gentil bah non quoi.

    allez ouasine, surtout ne lâche rien.

    Ta Ouasine préférée…

  4. Sophie (Maman d'Albane) dit :

    Trop prise dans un quotidien qui me dépasse je ne savais pas que toi aussi tu te battais pour ton fils. En tant que maman c’est terrible et je sais de quoi je parle. La colère d’abord, la culpabilité ensuite et puis enfin l’acceptation (si tenté qu’il soit possible d’accepter la maladie de son enfant). C’est un combat quotidien, une bataille souvent vaine mais nos enfants nous rendent si fiers

  5. billault dit :

    C’est la gorge nouée que je réponds à ce très beau message d’amour.
    Je crois vivre ma propre vie à la lecture de ce message.
    Mon petit bout à moi a maintenant 22 ans. Diagnostiqué SGT depuis10 ans. C’est aussi mon rayon de soleil comme je l’ai appelé sur son faire part de naissance ! Mais ce démon qui l’habite gâche tout.
    Bravo pour votre courage.
    Il faut tenir pour eux quand sans nous ils sont perdus.

  6. Gen .DM dit :

    Wow, je te comprend parfaitement, mon fils a la même chose plus d’autres maladie et je ressens souvent de la tristesse pour lui surtout en début d’année scolaire.Faut pas lacher!

  7. sophie dit :

    Je suis bouleversée par ce témoignage, mon petit « GILLOU » a moi (c’est ainsi que nous appelons le SGT)a 12 ans, et chacune des souffrances de cette maman et de son petit garçon nous les vivons, et nous en parlons, cela fait parti de notre vie, et comme a dit Manuel « cette maladie je l’aurais toute ma vie, donc je dois apprendre a la dompter »il faut se ressourcer chaque jour pour y faire face, et de l’amour.
    Merci Madame pour cette belle lettre, j’aurais aimée l’écrire aussi bien.

  8. Bonjour,
    Chaque semaine, avec l’auteur Anna Sam, nous relevons des défis imposés par nos lecteurs sur notre blog « Projet 52 au carré ». La semaine passée, nos lecteurs nous ont imposé de parler du syndrome Gilles de la Tourette. Pas facile : je ne connaissais personne dans mon entourage atteint par cette maladie et les reportages vus à la télévision me semblaient souvent prendre des cas extrêmes. J’ai donc cherché des témoignages sur internet pour me faire une meilleure opinion et je suis tombée sur le vôtre.
    Alors, voilà, cela reste une fiction, une nouvelle à lire pour se détendre (et si vous lisez celle d’Anna, elle a pris cela de façon humoristique pour dédramatiser un peu tout cela !), mais j’avais envie de vous la signaler. C’est à cette adresse : https://projet52aucarre.wordpress.com/2015/05/18/20-karine-derriere-lecran/
    Bon courage à vous et à votre fils,
    Amicalement
    karine

  9. Claire dit :

    Merci d’ avoir eu le courage et la force de partager un bout de votre vie, un bout qui prend une place énorme dans notre quotidien.
    Mon fils en est atteint aussi, diagnostiqué avant ses 6 ans, une forme importante m’a à dit le neurologue.. Oui je me doutait bien..
    Nous essayons de minimiser notre souffrance au vue de notre entourage pour qu’ ils puissent eux même minimiser et voir notre enfant le plus « normal » possible. Une mise en place d’ une manipulation positive guidée par l’ espoir d’ une guérison. Une façon de faire, bonne ou mauvaise je ne sais pas, je ne sais plus par moment..
    Nous souffrons avec lui, mon fils me repousse, me dit énormément de méchanceté, me violente physiquement et mentalement, fabule sans arrêt, manipule et bien d’ autres termes négatifs que j’ai encore beaucoup de mal à énumérer et a accepter.
    A côté de ça il existe des moments ou j’ ai droit à toute son affection, son amour! Quelques secondes de pur bonheur, une sensation d’ être en totale connexion avec lui, puis, la minute d’ après sa maladie refait surfasse…
    L’ amour, la compréhension, l acceptation et des nerfs d’ acier font mon quotidien..
    Voilà mon témoignage, grâce à vous, je me suis permise de parler de ce que je peux vivre de l’ intérieur..
    Mille merci a vous pour votre partage.

  10. julie dit :

    Bjr je comprend car moi aussi je suis atteinte de se syndrome et ses très dur à vivre je ai 13 ans

  11. Sandrine dit :

    Bonsoir,
    Il n’y a que en le vivant que l’on peut comprendre le sgt. Je partage ce ressenti car je suis moi même maman d’un garçon atteint de ce syndrome. Des moments de doute,de désespoir , de fatigue, mais aussi de bonheur et d’espoir quand je le regarde.
    il faut avancer coûte que coûte, ils ont tant besoin de nous.

  12. Arthur.b dit :

    Je suis tombé sur ce site par hasard et je peut dire que je suis vraiment touchée par ce texte, qui me fait grandement penser a ma mère… Je m’appelle Arthur, j’ai 17ans, et je suis moi même atteint du SGT depuis la classe de CP… C’est une maladie horrible pour moi, mais surtout pour mes proches qui souffre et culpabilise énormément depuis des années… PS : Ne tomber pas dans le piège des médicaments du style neuroleptiques (Orap, Abilify, Risperidone etc…). Sur-ce merci beaucoup de votre témoignage, (mine de rien, un témoignage dait avancer la maladie)

  13. droledeplume dit :

    Bonsoir Arthur, ce témoignage n’est pas le mien mais celui de Séverine, une amie dont le fils a le SGT. J’ai voulu lui laisser la parole car comme vous le dites, il faut faire avancer les choses et ouvrir des fenêtres pour une meilleure visibilité. À ma petite échelle, j’ai voulu soutenir mon amie :)

  14. romain dit :

    Bonsoir, en pleine suspicion de ce syndrôme chez nous serait-ce possible de discuter avec des mamans concernées par ce problème je suis au bout et ne sis que faire pour aider mon bonhomme de 7 ans

  15. droledeplume dit :

    bonjour, je sais qu’il existe des groupes sur les réseaux sociaux dédiés à cette maladie. Les parents échangent entre eux et se serrent les coudes. Vous avez aussi des pages comme celle-ci : https://www.facebook.com/Association-Francaise-du-Syndrome-de-Gilles-de-la-Tourette-101543146574782/?fref=ts
    De gros bisous à votre bonhomme.

  16. ARIANE VAILLAnd dit :

    Je vous comprends tellement ; mon petit garçon de 11 ans a été diagnostiqué très modéré il y a quelques mois ; j’ai mis 3 mois à prendre conscience de ce qu’est cette maladie car la neuropediatre me l’a présentée comme la maladie des tics en m’indiquant que certainement les tics de Robin allaient régresser ; c’est en partageant avec un groupe fermé sur FB que j’ai pu constater le handicap que cela était pour certains ; mon fils n’est pas traité pour l’instant ; nous vivons au jour le jour avec cette maladie mystérieuse que même la famille proche ne prend pas au sérieux ; je fais parfois avec, parfois j’ai de l’espoir et à d’autres moments je suis terrorisée et je dis pourquoi cela arrive t il à mon super petit garçon ??? Je vous souhaite plein de courage et d’espoir